Avec comme point de départ une question (L’exercice pluriprofessionnel et coordonné est-il un facteur d’attractivité professionnelle et de prévention du burnout?), la soirée du 16 janvier dernier promettait des échanges animés et de nombreuses questions. Organisée par la CPTS Montpellier Est-Bérange, elle tendait le micro à un éminent spécialiste de la question, le Dr. jean-Jacques Ormières, médecin généraliste pendant 40 ans (aujourd’hui retraité), médecin traitant des soignants et de leurs familles et co-fondateur de l’association d’entraide MOTS, dont il est aujourd’hui président d’honneur. Particulièrement facétieux, l’homme n’aura pas manqué de titiller les 120 soignants rassemblés devant lui pour provoquer quelques réactions bien utiles au “déclic” qui consiste à prendre conscience qu’en tant que soignant, on est aussi en droit d’attendre d’être “pris en soin”…
“Un professionnel qui va bien est un professionnel qui soigne bien”
Première chose à conscientiser : les soignants libéraux forment une population vulnérable, malgré leur position privilégiée au sein du système de santé. “Particulièrement exposés, ils ont moins facilement accès aux services de soins pour eux-mêmes que le reste de la population”, explique le Dr. Ormières, ajoutant que c’est même quand ils sont les plus vulnérables que ces derniers se referment sur eux-mêmes. En d’autres termes : à l’inverse de ce qu’ils préconisent pour leur patient, le recours aux numéros d’aide et aux lignes d’écoute dédiées n’est que rarement accepté. “La faute à un seuil de tolérance ? À un altruisme exacerbé ? Une banalisation, peut être, qui veut que souffrir fasse partie, selon la formule consacrée, des risques du métier?”, interroge l’expert. Un manque de temps, de conscience de ses propres limites, murmurent certains dans la salle. La finalité est, au demeurant, la même : en s’isolant quand ils se trouvent en difficulté, les soignants vivent des émotions négatives… Et à moins de ressentir “une grande détresse”, ne consultent pas.
Témoignages et vérités à entendre
Pour autant, pour bien soigner, un soignant doit commencer par aller bien. “Je vous partage le témoignage de Claire, cette infirmière qui a “étrangement” (pas autant que ça, vous allez le comprendre) pu se sortir du burnout… Par le travail !
“Simplement en y apportant plus de sens”, embraye Jean-Jacques Ormières citant, dans le cas de cette dame, le soutien des collègues, les vertus d’un travail tout aussi autonome que coordonné au sein d’une équipe positive, qui redonne à l’individu un sentiment d’appartenance, mais aussi un regain de l’estime de soi, de la confiance, essentiels au bien-être. Un premier élément de réponse à la question d’ouverture est ainsi donné.
“Un principe : prôner le Aller vers et la pair-aidance”
Deux principes seront ensuite mis en lumière : le premier, relativement connu de l’assemblée; le second, plus abscons.
“Aller vers… En tant que soignant, on sait ce que c’est, quand cela signifie d’aller en direction de nos patients. Mais on oublie presque que le “qui”, est l’individu et donc qu’il peut s’agir de soi ou d’un autre soignant. Le dénominateur commun étant la vulnérabilité”, analyse le Dr. Ormières. Ne ménageons donc pas nos efforts pour nouer le dialogue (même sans demande) et créer ce précieux lien d’entraide, de solidarité.
Savez-vous, maintenant, ce qu’est la “pair-aidance” ? Réponse : il s’agit du soutien, de l’accompagnement par un pair qui vit ou a vécu les mêmes situations que nous, qui est parvenu à formaliser un savoir expérientiel au cours de son parcours et qui en fait profiter le collectif.
Voici une question toute simple qui engage une démarche d’’aller vers” ou de “par-aidance” : “Comment ça va ?”. Droit dans les yeux, en maintenant le contact. Moins fugace que celui qu’on s’échange par automatisme, dans la rue. Une position, l’écoute. Un atout : l’observation. La personne en face de moi est-elle particulièrement, et sans raison apparente, agressive, irritable, sujette à des changements d’humeur ? Peut-on percevoir ou ressentir sa tristesse, les conséquences d’un manque d’écoute ou de considération ? “Une salle d’attente comble en permanence, des oublis, des erreurs de prescriptions, des retards systématiques, sont autant de signaux d’alerte chez un soignant”, explique Jean-Jacques Ormières. Et de citer les bénéfices de la pair-aidance, comme de l’ “Aller vers” : on redonne de l’espoir, on améliore l’estime de soi, un sentiment d’efficacité personnelle, on répond à des besoins fondamentaux tels que la recherche de sens et les sentiments d’utilité, d’appartenance. “On participe à la reconnaissance et à la valorisation du travail. On facilite aussi la réhabilitation psycho-sociale et le rétablissement”, complète-t-il.
“S’appuyer sur le collectif pour prévenir les risques professionnels et leurs impacts sur notre santé”
“L’exercice pluriprofessionnel coordonné améliore les conditions de vie privée et professionnelle de ses membres, évitant ainsi le burnout. Le travail d’équipe, notamment pluriprofessionnel, doit être plébiscité pour sa capacité à rompre l’isolement et à apporter, par exemple, un soutien aux jeunes professionnels lors du début de sa carrière”, poursuit le Dr. Ormières, invoquant le “Seul on va plus vite, ensemble on va plus loin et se référant à une étude menée sur un échantillon de 234 professionnels de santé exerçant en MSP, qu’il a pris soin de décortiquer attentivement.
En voici les grandes lignes : 93% se “sentent bien” dans la MSP, 71% déclarent une amélioration de leur qualité de vie, 70% déclarant une amélioration de leur moral. Ils sont même 61% à déclarer “une amélioration globale de leur santé”.
Les clés pour agir
Mais, dès lors, quels sont les comportements professionnels et relationnels qui contribuent à améliorer notre bien-être au travail ? On citera l’empathie (réelle), la bienveillance, l’écoute (active), la solidarité, la gestion des émotions et conflits, la confiance et la co-mmu-ni-ca-tion.
Bien sûr, quand on ne peut pas être, pour diverses raisons, la bonne ressource, ne pas hésiter à orienter vers des experts. Association MOTS ou SPS, en font partie.
INTERVIEW INTEGRALE ET OUTILS PRATIQUES à retrouver en mars 2025 dans TERRITOIRE SANTE n°7
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