INTERVIEW
Nathalie, votre visage et votre nom sont bien connus des adhérents de notre CPTS et de nombreux patients, d’ailleurs.
J’imagine que presque 40 années d’exercice libéral sur le territoire contribuent à façonner une petite notoriété (sourire), ce qui expliquerait votre remarque. J’exerce, pour être tout à fait précise, depuis avril 1986. C’est l’année au cours de laquelle, directement après mes études d’infirmière, j’ai ouvert mon premier cabinet. J’avais d’abord choisi la commune de Mauguio, avant de déménager, deux ans plus tard, à Mudaison. Je n’ai pas bougé, depuis. On parle au “je”, mais permettez-moi de corriger : en vérité, il faut dire “nous” car le cabinet se compose aujourd’hui de deux associées : ma consoeur Virginie et moi-même. Et c’est sans compter sur nos deux fidèles collaborateurs remplaçants, Stéphane et Julie, sans qui le quotidien ne serait pas tout à fait le même, croyez-moi !
Pourquoi dites-vous cela ?
Je parle d’expérience. Comme cela était encore possible à l’époque, j’ai fait le choix de m’installer en tant qu’infirmière libérale, dès ma diplomation, sans passer par le salariat ou le cadre hospitalier. J’y voyais plus d’avantages, ne serait-ce que pour des raisons de commodités personnelles, moi qui m’apprêtais à devenir maman. J’y avais aussi vu une opportunité d’être mon propre patron et le seul maître du temps car, pour avoir pu l’observer dans le cadre de ma formation, les horaires hospitaliers n’étaient pas vraiment faits pour moi… Je n’ai jamais regretté ce choix du libéral, mais j’ai très vite ressenti que ce métier d’infirmier, pour le faire bien – et pour le faire, tout court – ne pouvait s’envisager en solitaire. Je rappelle que les IDEL sont les garants de la continuité des soins et le dernier maillon de la chaîne de soins. Ce qui signifie que le jour, la nuit, les week-ends et jours fériés, nous devons assurer la prise en charge de nos patients. La recherche d’associés ou de remplaçants est donc, sinon inéluctable, totalement naturelle. Tout comme la logique pluriprofessionnelle, d’ailleurs…
“ J’ai toujours cherché, à mon niveau, à améliorer les choses”
Cette même logique qui vous poussera à adhérer à la CPTS Montpellier Est-Bérange à sa création ?
J’adhérais déjà au fonctionnement des CPTS avant même que ces dernières ne soient mises en place par le législateur. Et je ne crois, d’ailleurs, pas être la seule à pouvoir dire que la communication entre tous les praticiens était déjà, en quelque sorte, inscrite dans une forme de routine professionnelle. Je ne me suis par exemple jamais privée d’appeler un kinésithérapeute pour un conseil, un médecin pour une question, un pharmacien pour l’interroger sur les effets indésirables ou la bonne application d’un traitement… Alors oui, quand la CPTS du Bérange est née, elle est venue en quelque sorte officialiser tout cela. Alors, j’ai immédiatement rejoint le collectif. C’est un outil porteur pour le quotidien. Mais tous ceux qui nous lisent le savent déjà. Alors ce que j’aimerais dire, moi, à mon âge et avec le recul des années, – oserai-je dire, avec toute ma sagesse ? – c’est que j’y vois surtout l’avenir. La raison est simple : ce métier, je l’ai embrassé avec passion, je lui ai beaucoup donné, je l’ai vu évoluer, grandir. Et il m’importe qu’il reste attractif, que ça puisse continuer pour les nouvelles générations. Et bien entendu, pour les patients.
Patients qui ne vont pas en rajeunissant…
C’est d’ailleurs le vieillissement massif et prévisible de cette population qui nous met nous, soignants, au défi de faire mieux. Il ne s’agit plus de faire “bien”, mais véritablement d’aller plus loin. Dans la prévention, comme dans le soin, dans la prise en charge comme dans l’organisation de parcours complexes. Ça commence à en faire pas mal de monde au chevet du patient, à ce stade, non ?
“ On la tient, notre chance de donner vie à notre vision de la santé ! ”
Les mentalités évoluent, l’adhésion collective, sur les territoires, aux CPTS, en est la preuve.
Pour autant, un important travail reste à faire. Les mutations sont nombreuses et la population doit désormais envisager la santé comme une quête globale, non pas comme un dû dont on se soucie seulement lorsqu’un trouble ou une pathologie apparaît. C’est le b-a.ba de la prévention, prévenir plutôt que guérir.
Mais encore faut-il que le principal concerné, c’est-à-dire le patient, en soit convaincu. En cela, je me félicite que les infirmières libérales aient récemment hérité (non sans les réclamer !) de nouvelles compétences comme la prescription et l’administration de certains vaccins, mais aussi le très récent Bilan de prévention, qui propose une approche très complète et à quatre âges clés de la vie, des facteurs de risques médicaux pour ceux qu’on n’appelle pas encore “patients”, à ce stade. De la même façon, j’applaudis des actes et dispositifs comme le Bilan de Soins Infirmiers (BSI) et ICOPE, sur le sujet de la dépendance des sujets âgés.
“ Le dernier maillon, c’est nous”
Le métier ne change pas toujours forcément par les actes.
Quand on y réfléchit, si. Chaque nouveauté ou progrès, aussi petit soit-il, réinvente notre profession. Si nous sommes devenu-e-s, nous les infirmier-e-s, de véritables expert-e-s des plaies et de la cicatrisation, et donc de l’acte de panser, c’est parce que prise en charge post-opératoire après prise en charge post-opératoire, nous nous sommes adapté-e-s aux techniques, matériels et produits. Même chose pour les patients atteints par le cancer et que nous accompagnons quotidiennement. En 40 ans, les protocoles de soin ont beaucoup changé. Et nous, nous sommes toujours là. J’en profite pour mettre en lumière un élément clé de notre métier : la formation continue. In-dis-pen-sable !
Que diriez-vous aux soignants qui ne sont pas encore adhérents de notre CPTS, pour tenter de les convaincre ?
Avec la CPTS, nous avons enfin la possibilité, en tant que soignants, de donner vie à notre vision de soin, tout en répondant aux besoins réels des populations par des actions ciblées. C’est une chance énorme, cette approche “macro” de la santé, car les besoins ne sont pas les mêmes ici qu’à Nîmes, Sète ou Montpellier. Si vous êtes comme moi, plutôt du genre à agir qu’à vous plaindre, je pense que vous tenez ici une belle opportunité de faire quelque chose de positif, pour vous, mais surtout pour les autres.
PORTRAIT ROBOT
“Connais-toi toi-même”
“Ce qui m’a toujours étonnée, et qui m’interpelle encore aujourd’hui, c’est cette méconnaissance totale, aussi bien dans nos propres rangs, que chez les patients et les autres professionnels de santé, de notre rôle propre. Etre infirmier, cela ne se résume pas à enchaîner les nursings et à panser des plaies (même si nous avons développé une vraie expertise en la matière, notamment sur le sujet des plaies complexes), c’est aussi organiser les soins autour du patient, promouvoir (et administrer dans certaines conditions) la vaccination, maîtriser de multiples techniques de prise en charge, s’engager dans la prévention, rédiger les certificats de décès… Loin d’être figée dans le temps, notre profession évolue avec et comme son époque, c’est-à-dire “vitesse grand V !”.
Un rôle moteur
“Le temps est venu déconstruire ces vieux schémas qui n’ont plus leur place en 2024. Chacun ses compétences et ses prérogatives, certes. Mais les choses bougent, la délégation des compétences se met en œuvre. Les prés carrés et corporatistes, c’est fini. Place au dialogue, à la collaboration, au bon sens tout simplement.”
Pourquoi elle croit en l’avenir des CPTS
Engagée avec conviction dans une dynamique pluriprofessionnelle en tant qu’associée au sein de son propre cabinet et membre actif de notre CPTS, Nathalie a expérimenté à ses débuts, l’exercice solitaire, mais elle ne croit plus qu’il soit encore “sincèrement judicieux” d’exercer de la sorte. “Tout soin exige de travailler en lien avec d’autres professionnels, ne serait-ce que les pharmaciens, les masseurs-kinésithérapeutes ou le médecin généraliste. L’intérêt du patient est là : avoir affaire à des soignants informés, opérationnels, efficaces et dont l’action complémentaire permet une prise en charge optimale. Une CPTS permet cela.”
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