Une première victoire !
Alors qu’elle a été promulguée le 8 avril dernier et publiée au Journal officiel du 9 avril 2024, la Loi Bien-vieillir sonne pour la Députée de la 3ecirconscription de l’Hérault (circonscription qui englobe le territoire de notre CPTS) Laurence Cristol, médecin spécialiste en onco-gériatrie dans le civil, comme une « première victoire » sur un sujet pour lequel, elle le reconnaît volontiers, « il reste encore beaucoup à faire ». Rencontre.
La proposition de loi “bien vieillir” a été adoptée en mars dernier à l’Assemblée nationale, puis promulguée le 8 avril. Vous en êtes la corapporteure, avec la députée Annie Vidal. On imagine votre grande satisfaction.
Je suis satisfaite à plus d’un titre. D’une part pour mes patients, puisque j’exerce toujours en tant que médecin spécialiste en onco-gériatrie au sein de l’Institut du Cancer de Montpellier (ICM) et suis donc, à ce titre, confrontée aux nombreux sujets qui concernent le grand-âge. De l’autre, je le suis en tant que parlementaire, puisque la promulgation de cette loi sonne l’aboutissement d’une initiative que nous avions choisi de porter dès novembre 2022, avec mes collègues de la Commission des affaires sociales. Notre volonté : bâtir une société du bien-vieillir. Ce dont je suis particulièrement satisfaite, c’est que cette loi apporte des avancées très concrètes aussi bien d’un point de vue « institutionnel » que « personnel ». Et autant pour les personnes âgées que pour les professionnels qui les accompagnent.
“La loi Bien-Vieillir est transpartisane, transversale”
Que prévoit-elle, dans les grandes lignes ?
La loi comporte 41 articles. Elle officialise notamment la création d’une conférence nationale de l’autonomie, offrant à ce sujet d’importance un portage politique, mais aussi un pilotage territorial dont les acteurs seront prochainement déterminés par décret gouvernemental. Il est inenvisageable que les professionnels de santé libéraux n’en fassent pas partie car cette loi défend la transversalité des approches, s’éloigne des politiques de silo, encourage les parties prenantes à se réunir. Qu’on soit hospitalier, libéral ou même aidant, on est tous concerné. Je pense d’ailleurs que l’adoption de la Loi Bien-vieillir est due à cela. Elle est transpartisane et transversale.
La loi prévoit aussi, au cœur des territoires, un service public départemental de l’autonomie (SPDA) pour les personnes âgées et handicapées, mais aussi pour les proches aidants. Pour faire simple, cela prendra la forme d’un guichet unique dont l’objectif est de simplifier leur parcours usager et de garantir que leur maintien à domicile puisse être assuré. Et c’est l’Hérault qui fera figure de précurseur en tant que territoire pilote ! Je souhaite que cela aille vite : la première réunion du comité exécutif a eu lieu pas plus tard que le 15 avril dernier. Vous, libéraux, allez en entendre parler très rapidement puisqu’en tant que pivots du maintien à domicile des sujets âgés, vous figurez parmi les premiers concernés.
Les choses bougent, mais beaucoup de soignants libéraux se sentent encore démunis, désœuvrés face au manque de moyens…
La Loi Bien-vieillir appelle, d’ici fin 2024, puis tous les 5 ans, à l’adoption d’une loi de programmation pluriannuelle pour le grand âge, qui devra déterminer la trajectoire des finances publiques. Mais elle bénéficie déjà de moyens financiers importants, que cette loi de programmation pluriannuelle permettra justement de pérenniser. Parmi les sujets majeurs : la formation des professionnels. Par ailleurs, vous ne manquerez pas d’observer que cette nouvelle loi s’inscrit dans la politique du « aller vers », dans une volonté de renforcer la proximité.
Exemples ?
Les équipes locales d’accompagnement sur les aides techniques (EQLAAT), actuellement au nombre de 24, seront généralisées à partir de 2025. Et pour agir le plus en amont possible dès les premiers signes de la perte d’autonomie, le programme Icope est généralisé. On ne parle plus d’expérimentation régionale ! Je sais que la CPTS Montpellier Est-Bérange a contribué, à son niveau, au succès de ce dispositif et je ne peux que saluer, ici, votre engagement. Il est d’ailleurs bien la preuve que pour que ça marche, il faut miser sur le collectif.
“Nous fonçons droit dans un mur démographique”
A l’approche de l’été, un article de cette loi risque d’être particulièrement utile…
En cas de crise sanitaire ou de canicule, les services sociaux et sanitaires pourront en effet accéder aux registres des personnes vulnérables tenus par les mairies. De leur côté, les mairies pourront enfin accéder aux fichiers des bénéficiaires de l’allocation personnalisée d’autonomie (APA) ou de la prestation de compensation du handicap (PCH), sauf opposition de leur part. En tant que Maire de Saint-Clément-de-Rivière sur le précédent mandat, je pense que je me serais sentie moins impuissante face à la détresse de certains aînés, si j’avais pu disposer d’un tel registre…
Cette loi est une « première victoire », mais n’apporte pas toutes les réponses souhaitées. Comment aurait-on pu aller plus loin ?
Cette loi est un pas vers une future Loi Grand-âge, dont la dimension supérieure apportera toutes les réponses nécessaires. J’aimerais que nous puissions, par exemple, avancer sur le sujet de la prise en charge, du soutien et de la formation des aidants familiaux, dont la présence aux côtés de nos aînés et des soignants est devenue incontournable. Nous fonçons droit dans un mur démographique, puisqu’en 2030, nous compterons plus de personnes âgées de plus de 65 ans que de jeunes de moins de 15 ans. C’est demain. Et ça concerne tout le monde ! On parle d’un vrai changement de société.
“Les EHPAD doivent redevenir des vrais lieux de vie”
Une seule loi ne peut donc pas tout changer, mais elle peut nous inviter à revoir notre mode de vie. Je défends ainsi férocement l’idée d’une sortie rapide du cadre exclusif domicile-Ehpad au profit d’une transition domiciliaire plus cohérente avec les aspirations des gens. Les EHPAD doivent redevenir des vrais lieux de vie dans lesquels on entre le plus tardivement possible et avec une « meilleure constitution », pas des centres de longs séjours. La loi porte bien son nom : l’espérance de vie qui s’allonge, c’est une chose, mais le « bien-vieillir » en est une autre. Le vrai sujet, vous le savez aussi bien que moi par le lien que vous entretenez avec vos patients, c’est la qualité de vie.
Sur notre territoire, la CPTS s’engage pleinement dans la démarche du Bien vieillir avec ICOPE. Retrouvez toutes les infos nécessaires ici